Connectivité écologique présente et future des milieux naturels des basses-terres du Saint-Laurent

Aire d'étude retenue pour l'atlas des territoires d'intérêt pour la conservation dans les basses-terres du Saint-Laurent au Québec, Canada (32 350 km2).

 

Au cours de la dernière décennie, nous avons travaillé en étroite collaboration avec le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) du gouvernement du Québec afin d'identifier les habitats prioritaires pour la protection et la restauration de la connectivité des habitats. Nous avons concentré nos efforts sur l'écorégion des basses-terres du Saint-Laurent. La conservation de la connectivité souligne l'importance de maintenir les habitats connectés afin que les espèces puissent se déplacer librement et persister dans les paysages dominés par l'homme. Accroître la connectivité signifie restaurer les habitats terrestres (forêts) et aquatiques (zones humides) en ajoutant des corridors pour la faune ou en éliminant les obstacles aux déplacements. Ceci permiet d'atténuer les effets des changements d'utilisation des terres par l'homme et des infrastructures (p. ex. les routes) qui entravent leurs déplacements et augmentent leur mortalité. Certaines parties de la région sont particulièrement importantes pour la connectivité, de sorte que notre travail identifie les zones prioritaires pour les actions de conservation. Une caractéristique importante de notre travail est un effort pour comprendre à quoi ressembleront le climat et l'utilisation des terres au cours du siècle à venir, afin que nous puissions prendre aujourd'hui des décisions qui garantissent la connectivité des habitats à long terme. Nous travaillons avec de nombreuses parties prenantes dans la région pour communiquer nos conclusions et faire en sorte que nos résultats soient accessibles à tous.

 

Financé par : Direction générale de la conservation de la biodiversité, Ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Collaborators : Bronwyn Rayfield, Guillaume Larocque, Kyle Martins, Valentin Lucet, Fanny Maure, Colin Daniel, Yan Boulanger, Andrew Gonzalez

 

Une priorisation pour la conservation des milieux naturels des basses-terres du Saint-Laurent en fonction de leur importance pour la connectivité écologique

 

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Résumé

Pour assurer la pérennité de la biodiversité et des services écosystémiques des paysages fragmentés, les plans de conservation actuels se concentrent de plus en plus sur la protection des réseaux d’habitats. Les analyses de connectivité des habitats quantifient à quel point un réseau d’habitat est connecté, selon l’arrangement dans l’espace des parcelles d’habitat et des corridors de dispersion, et en fonction des capacités de dispersion des espèces qui font usage deces réseaux. Dans les basses-terres du Saint-Laurent, les zones naturelles terrestres ont été largement converties en terre agricoles et en zones urbaines. Nous avons identifié les priorités de conservation parmi les zones naturelles encore existantes dans les basses-terres selon des critères de qualité et de connectivité des habitats pour un ensemble d’espèces-cibles : la grande musaraigne, la martre d’Amérique, la salamandre rayée, la grenouille des bois, et l’ours noir. Nous avons identifié cinq grandes conclusions:

  1. Les zones naturelles terrestres représentent 30% des basses-terres réparties sur des parcelles de différentes tailles. Les parcelles, petites et grandes, sont importantes pour la qualité de l'habitat et la connectivité écologique de la région.
  2. Parmi ces parcelles, certaines parcelles de grandes tailles situées entre Trois-Rivières et Québec ont été jugées très prioritaires. Des parcelles plus petites, en Montérégie et autour du Lac Saint-Pierre, sont aussi très prioritaires.
  3. Des corridors de haute priorité de conservation ont aussi été identifiés sur le long de la rive sud du lac Saint-Pierre, en provenance du lac Saint-Pierre vers le Mont Saint-Hilaire (au sud-est), et en provenance du lac Saint-Pierre vers les zones forestières entre Trois-Rivières et Québec (au nord-ouest).
  4. La sensibilité des espèces à la perte d'habitat varie, mais toutes les espèces verront la qualité et la connectivité de leur habitat décroître dans le scénario d'une perte continue de milieux naturels.
  5. La valeur des zones prioritaires de conservation n’est pas indépendante du paysage alentour et toute dégradation de ce paysage a le potentiel de faire décroître la valeur écologique de ces zones.

Les cartes de priorités de conservation présentées dans ce rapport ont pour but de guider une gestion du paysage qui intègre dans son processus de décision les interconnections entre les parcelles d’habitat et les paysages dans lesquels ces connections  s’inscrivent. Nos résultats démontrent la valeur d'une analyse conjointe de la qualité et de la connectivité des milieux naturels.

 

 

Modélisation de la connectivité de l’habitat terrestre dans les basses-terres du Saint-Laurent selon différents scénarios de changements climatiques et d’occupation des sols

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Résumé

Nous avons développé un modèle intégré combinant des simulations de changements d’occupation des sols et de changements forestiers, des projections climatiques régionales, des analyses de la connectivité des habitats multiespèces et une priorisation de la conservation. Nous avons appliqué ce modèle afin de prédire la connectivité écologique au cours du prochain siècle selon une gamme de scénarios climatiques et de changements d’occupation des sols dans la province naturelle des basses-terres du Saint-Laurent au Québec (30 000 km 2 ). Nos résultats illustrent les conséquences potentielles des changements climatiques et de l’expansion urbaine pour la biodiversité associée aux forêts et aux milieux humides au sein de ce paysage, en se basant sur des analyses de qualité des habitats et de connectivité pour cinq espèces cibles : la grande musaraigne, la martre d’Amérique, la salamandre rayée, la grenouille des bois et l’ours noir. Nos analyses ont conduit à cinq conclusions principales :

1. Le principal moteur de perte et de fragmentation des habitats dans notre modèle est l’urbanisation, avec des pertes anticipées de 16 % pour les forêts et de 8 % pour les milieux humides entre 2010 et 2110, sur la base d’un scénario de changements d’occupation des sols suivant les tendances historiques (scénario statu quo). Les petits fragments de forêt proches des zones urbaines étaient les plus susceptibles d’être perdus.

2. La connectivité écologique devrait décliner dans les basses-terres du Saint-Laurent au cours du prochain siècle selon le scénario le plus extrême que nous avons testé, soit le maintien du statu quo et le scénario climatique RCP 8.5. L’ampleur des pertes de connectivité varie selon les espèces cibles et à travers les basses-terres, allant de 1 % à 12 %. Les pertes de connectivité sont associées au déclin et à la fragmentation des habitats convenables, principalement causées par l’expansion urbaine et les changements climatiques.

3. Quatre espèces cibles ont été plus négativement affectées par les changements d’occupation des sols que par les changements climatiques dans notre simulation de 100 ans. La conservation à long terme de ces espèces et de la biodiversité qu’elles représentent nécessitera une réduction des taux de conversion des terres et la restauration des habitats afin de compenser la perte continue observée aujourd’hui.

4. La martre d’Amérique a connu une perte et une fragmentation des habitats plus élevées en raison des changements climatiques qu’en raison des changements d’occupation des sols au cours de la période simulée. La réponse de cette espèce est caractéristique de celle d’autres espèces dont les niches écologiques sont menacées par les changements climatiques.

5. L’intégration d’autres scénarios de changements climatiques et d’occupation des sols dans la priorisation de la conservation modifie fortement les zones prioritaires. Une priorité plus élevée a été accordée aux zones naturelles fortement susceptibles de  disparaître en raison des changements d’occupation des sols ou climatiques, telles que celles situées à proximité des centres urbains. Une priorité a également été accordée aux zones où la qualité des habitats et l’importance de la connectivité devraient augmenter du fait des changements dans le paysage et le climat, comme le corridor faunique situé entre Trois-Rivières et la ville de Québec.

 

 

Mont Yamaska 2007, Photo: Tingxian Li (Ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques)